"Merveille des petits ports"

Mardi 11 octobre 2016, vers 13 heures, le Marche-Avec entre dans la Ria de Merrien. L'équipage a rendez-vous avec les huîtres du parc d'Isabelle Morvan. (photos Bernard.H et anonymes)

"Voulez-vous connaître l'arrière-pays, cette tapisserie de fermes, de champs, de vallons, de crêtes nues, de la "Cornouaille heureuse"? Alors, enfoncez-vous un peu dans les terres, vers Clohars, vers Moëlan, vers Merrien. Mais à Merrien, c'est par mer que vous irez.

Vous longerez la côte, ses vallons nus aux prairies très vertes. Vous doublerez une pointe, nous continuerez. Vous direz : "Mais qu'est-ce qu'il raconte, Jean Merrien, il n'y a pas de port, par ici !". Vous verrez pourtant, au fond d'un V, une minuscule borne blanche, un phare-jouet. Eh bien c'est là, l'entrée de Merrien ; et le phare est placé de telle façon, dans son entonnoir, qu'il dispense de tout autre balisage : du moment que vous le voyez, vous parez les roches de tribord et de bâbord. Merrien...

Ce matin là, nous étions partis du Pouldu vent arrière, dans la brise d'Est mollissante. Nous avions, comme vous, longé la côte. Le petit phare, je crois bien, n'existait pas encore, mais on laissait pousser au même endroit une touffe de lande plus haute, autour de laquelle paissaient des vaches pies.

Franchi le goulet, nous avions longé, comme vous le ferez (à toute marée, sauf basse de vive eau), la rive Ouest, aux roches noires. Et, du coude, nous était apparu le doux miroir d'eau sous les pins, les bulles d'écume remontant vers les parcs à huître et vers les bois, devant la cale sans maison. Un grand héron planait. Mes dents claquaient dans ma bouche, d'émotion. Je pensai : plus tard j'écrirai ; et je me nommerai Jean Merrien.

Nous avions déjeuné, bu du muscadet (cela aussi, mérite qu'on le chante !) sur la lande qui domine l'immense pré marin. Ce pré, au vent d'Ouest qui levait, se piquetait de fleurs blanches..."

Jean Merrien, "Merveille des petits ports" - Edition Denoël 1957